Cette controverse est à replacer dans un contexte dont on ne peut s’affranchir : la Réserve naturelle nationale des Hauts de Chartreuse a été créée en 1997 pour « préserver les milieux, la faune, la flore, les éléments géologiques et le paysage ». Alors même que nous vivons un effondrement de la biodiversité et du vivant, la fréquentation et la libre circulation des personnes ne va pas de soi dans cet espace protégé et vulnérable. De l’aveu même de Suzanne Forêt, conservatrice de la Réserve, « il y a de gros enjeux faune et flore sur cette zone. Valoriser et aménager le site, cela signifie sacrifier l’espace naturel. »
Ainsi, puisque les montagnes – derniers espaces de wilderness – abritent des écosystèmes sous pression, elles sont des espaces de responsabilité.
A ce titre, le règlement de la réserve et les arrêtés municipaux complémentaires vont dans le sens de la sauvegarde du site (les chiens, la cueillette des plantes, les feux et le camping sont notamment interdits, et seul le bivouac à la belle étoile est toléré durant les deux mois d’été). Le travail de sensibilisation effectué par le garde animateur de la Réserve va également dans ce sens.
Les conditions semblent donc être réunies pour garantir aux visiteurs responsables un accès durable à cet espace de ressourcement indispensable. L’exemple récent de la réglementation sur le bivouac* prouve que des mesures supplémentaires peuvent être prises par arrêté si elles sont nécessaires. A contrario, la restriction d’accès à la RNN en dehors des sentiers balisés (cf. plan de circulation randonnée) souhaitée par M. de Quinsonas s’accompagne d’une profonde injustice et d’une grande incertitude.
En effet, le droit de passage sur les sentiers inscrits au plan de circulation randonnée de la RNN repose sur l’accord de Bruno de Quinsonas-Oudinot. Tant qu’un compromis ne sera pas trouvé, celui-ci pourra à tout moment se rétracter de l’accord tacite qui le lie au Parc naturel régional de la Chartreuse. L’accès au plateau serait donc interdit, même le long des sentiers balisés et parcourus de longue date.
La raison d’être de Mountain Widerness n’a pas changé depuis sa création en 1988 : la montagne est un territoire de respiration essentiel, pour les humains comme pour les non humains.
A ce titre, nous ne pouvons pas concevoir qu’une partie des montagnards se voient refuser l’accès à un territoire sauvage dans le seul but que d’autres en jouissent pleinement. Ici, ce serait à des fins de loisir et d’enrichissement personnel2. Ailleurs, d’autres raisons pourraient justifier cet accaparement.
Par ailleurs, cette situation risque de créer un précédent d’autant plus dommageable qu’une vaste part du territoire montagnard est constituée de biens privés (entre 10 % et 50 % selon les massifs3, et 31 % dans le seul périmètre de la Réserve). La loi du 2 février 2023 – dont les décrets d’application ne sont pas encore parus** – ne semble pas avoir anticipé cet effet collatéral particulièrement dommageable pour les territoires de montagne et leurs hôtes.