monika glet

Du train pour nos montagnes

Début octobre, à Grenoble, avait lieu le forum “Du train pour nos montagnes !”, organisé par le réseau européen « En train » et le Collectif de l’Etoile ferroviaire de Veynes. Son objectif était de renforcer les liens entre les acteurs associatifs et les élus travaillant sur le sujet, afin de porter un plaidoyer commun sur les politiques et investissements ferroviaires en montagne, à l’échelle nationale et européenne.

Mobilité douce
Pratiques sportives

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 16 nov. 2025

Retour sur l'évènement "Du train pour nos montagnes"

Au cours de ces 2 jours d'événements, plusieurs types d’acteurs ont pu échanger ensemble : 

  • des structures qui font réseau sur le sujet : tels que #entrain (européen) ou le collectif Aurail (région AURA).
  • de nombreux collectifs citoyens démontrant combien la question ferroviaire est plus que jamais, en montagne, au centre des préoccupations citoyennes. Étaient ainsi présents : le Collectif de l’Etoile ferroviaire de Veynes impliquée notamment dans la défense de la ligne Grenoble-Gap, le Collectif du Haut Allier, défendant la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand, l’association Letrain634269 qui demande la réouverture de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, ainsi que le le Comité franco-italien pour la défense de la ligne Nice-Cuneo-Ventimiglia (étoile de Breil dans les Alpes-Maritimes)

Mountain Wilderness était venue présenter la campagne Changer d’Approche ainsi que son kit de sensibilisation, et échanger sur la thématique “TER et développement touristique”, avec Alain FAURE, du Conseil de Développement de la Métropole de Grenoble (C2D) sur les défis et les solutions imaginées concernant le SERM (Services Express Régionaux Métropolitains) de l’aire grenobloise. Le travail du C2D, visant à favoriser le report modal sur ces “RER métropolitains” a été restitué sous forme de bande dessinée.

Il met notamment en avant le besoin de : 

  • Billettique unique associant tous les modes de transport ;
  • Gares hyper-accueillantes, centrées sur les services au public ;
  • Confort et convivialité dans les trains pour être plus attractif que la voiture ; 
  • Intermodalité en gare, pour accéder aux derniers kilomètres et fonds de vallée ;
  • Solidarité : avec des tarifs/dispositifs spécifiques pour publics fragiles et éloignés ;
  • Valorisation touristique des montagnes, offrant aux visiteurs des connexions avec les massifs alentour.

Le train en montagne : un enjeu de justice sociale et territoriale

En territoire de montagne, 80% des déplacements se font en voiture, faute d’alternatives (contre 66% à l’échelle nationale). Plus qu’ailleurs, en montagne, le financement du train est délaissé, et particulièrement pour les petites lignes : cela entraîne des trains annulés, retardés et un service plus ou moins dégradé selon les territoires. La fréquence et la fiabilité sont trop faibles pour gagner la confiance des citoyens qui n'ont d'autres recours que de se reporter vers la voiture. Autre exemple, sur la ligne de nuit Paris-Briançon, plus d’un train sur deux était retardé ou annulé en 2024, alors même qu’elle constitue une solution plébiscitée par les citoyens habitant sur le territoire ou venant le visiter.1

Le train joue un rôle central dans l’économie, l’attractivité touristique et l’identité des régions montagneuses. D’un point de vue touristique (pensons à l’emblématique train jaune dans les Pyrénées-Orientales), ainsi que pour les mobilités du quotidien, le train est crucial pour la transition écologique du tourisme, la décarbonation des mobilités2 ainsi que le maintien de bassins de vie qualitatifs en montagne.

Plusieurs petites lignes de train de montagne, utilisées au quotidien, sont menacées de disparition. Nous avons assisté à un abandon progressif et organisé des petites lignes qui coûtent cher à entretenir : depuis 1930, le réseau ferroviaire français est passé de 60 000kms à 28 000kms.3 Aujourd’hui, dans le Jura, pour la ligne TER des Hirondelles, 100 millions d’€ sont nécessaires pour rénover 73 km de la ligne, mais la Région Bourgogne n’a toujours pas annoncé d’investissement, ce qui préfigure son abandon… D’un autre côté, on peut quand même se réjouir de certaines améliorations telles que la réouverture de la voie Epinal - St-Dié-des-Vosges en 2021 qui a provoqué un choc d’offre et une hausse de la fréquentation.

Les petites lignes de chemin de fer, dites également Lignes de Dessertes Fines du Territoire (LDFT) portent donc un enjeu d’équité entre les territoires : les fermetures de gare, subies par la population locale, sont souvent vécues comme un signe de déclassement et symboles de l’abandon des services publics. Cela est particulièrement vrai dans les régions montagneuses sans péages, où le train devient trop cher par rapport à la voiture, pour ceux qui n'ont pas d'abonnement ou de tarif réduit.. A cet égard, Pascal Coste, président du conseil départemental de Corrèze, dans le massif Central, déclare : “Les lignes de tout le centre de la France ont été complètement délaissées et depuis c’est le grand déclassement, la diagonale du vide. Nous sommes vus comme des bouseux. Les gens sentent l’abandon le plus total. Ça suffit!”.5

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Un besoin de financement

Dans ce contexte-là, le financement des LDFT est nécessaire - afin de desservir les plus petites communes de montagne, et pas seulement les grandes métropoles. Et cela relève notamment de choix de politiques nationales car l’enjeu principal reste le financement du ferroviaire par l’Etat à travers son soutien aux régions. Ainsi, alors même que les SERM (Services Express Régionaux Métropolitains) sont brandis nationalement comme le futur des mobilités intra-régionales, on dénote encore l’absence de pistes de financements pour leur réalisation par l’État. En outre, les gouvernements successifs multiplient les annonces sur la ligne Marseille-Briançon, notamment dans le contexte des JO 2030, mais pour l’instant les financements engagés (de l’ordre de 500 millions d€) serviront à financer la modernisation des voies (réduire le temps de trajet), et non à proposer une véritable offre qualitative permettant d’améliorer la desserte des petites gares sur la ligne.

En l’absence de soutien étatique, les Régions, autorités organisatrices de la mobilité, sont démunies face à l’ampleur des travaux : rénover 1 kilomètre de voie ferrée peut coûter de 1 à 4 millions d’euros en fonction du terrain. Par exemple, la Région AURA a prévu 5,7 milliards d’euros d’investissement ferroviaire (rames + infrastructures) d’ici 2035.5 Au total, sur le réseau SNCF en France, 60 milliards d’investissements sont nécessaires pour moderniser le réseau (besoin de financement grandissant qui résulte lui-même du sous-financement chronique depuis des années). Cela représente un besoin total de plus de 1,5 milliard/an pour entretenir le réseau existant (voire 3 milliards pour le moderniser). Les frais n’étant pas engagés, le réseau continue à se dégrader, les trains sont contraints de ralentir, ou les lignes de fermer pour de longs travaux. D’ici à 2035 c’est ainsi plus de 10 000 km de lignes qui sont menacés de fermeture. 

Les recettes permettant de financer de tels investissements ne sont pourtant pas si difficiles à trouver. A titre de comparaison, la TVA sur les billets de train est de 10 %, alors que le secteur aérien bénéficie toujours de deux exonérations fiscales : pas de taxe sur le kérosène, et une TVA à 0% sur les vols internationaux (10% sur les vols internes). Une meilleure justice fiscale permettrait de financer la rénovation ferroviaire et plus globalement la transition vers des mobilités plus durables.

Intermodalité entre les modes de transport

Au sein de la campagne Changer d’Approche, visant notamment à promouvoir les mobilités douces pour les pratiques de montagne, nous insistons sur le besoin de solutions d’intermodalité.
Le train en montagne ne peut se suffire à lui-même et pour faciliter l’accès aux fonds de vallées, aux villages isolés et aux départs de randonnées, un ensemble d’offres et d’aménagements sont nécessaires pour compléter le train et permettre de se passer d’automobiles. Les casiers à vélo sécurisés, la proposition de location de vélo ou VAE, d’autopartage ou encore de navettes sont autant de propositions qui favorisent le report modal.
Sur ces sujets, la demande des usagers a pris de l’avance et bien souvent les régions ainsi que la SNCF peinent à rattraper leur retard. Cela a des conséquences sur l’ensemble des flux de mobilités à l’échelle des territoires de montagne, freine le report modal pour les trajets du quotidien ainsi que la transition de l’offre touristique en montagne.

  1. F. (2025, 20 février). SNCF : Paris-Briançon, la pire ligne ferroviaire de France ? Franceinfo. https://www.franceinfo.fr/economie/transports/sncf/sncf-paris-briancon-la-pire-ligne-ferroviaire-de-france_7086231.html
  2. Le secteur des transports représente à lui seul 31 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. 
  3. https://reporterre.net/IMG/pdf/contribtion_de_la_sncf_-_ambition_france_transports.pdf
  4. Revue “Pour la Montagne”, Mensuel de l’ANEM, octobre 2025, p.10
  5. Source AURA
  6. Niches fiscales sur l’aviation : la France s’est privée de 4,7 milliards (2024, 30 septembre). T&E France. https://www.transportenvironment.org/te-france/articles/taxes-sur-laviation-la-france-sest-privee-de-47-milliards-deuros-en-2022
© Vincent Martin | photomavi.com

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