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Le Mont Viso libéré de ses 14 tonnes de barbelés

14 tonnes d’Installations obsolètes ont été retirées du Mont Viso ! Entre le 21 et le 25 août 2015, l’association Mountain Wilderness, en partenariat avec la Réserve naturelle nationale de Ristolas Mont Viso, a conduit avec succès un nouveau chantier de démontage. Cette 31e opération depuis 2001 confirme l’engagement fort de Mountain Wilderness et de ses partenaires pour préserver le patrimoine naturel de la montagne.

7 min de lecture
Queyras
Installations Obsolètes

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 02 sept. 2015

Un chantier installations obsolètes entre la France et l’Italie

Le Mont Viso, sommet emblématique pour les Français et les Italiens, porte encore de trop nombreux stigmates de la Seconde Guerre mondiale. A la fin des années 30, les armées française et italienne ont édifié d’impressionnants réseaux de fortifications et de lignes de barbelés sur la frontière alpine. Encore aujourd’hui, les milliers de randonneurs qui parcourent les sentiers du tour du Viso découvrent ces vestiges rouillés et abandonnés depuis soixante-dix ans, sans toujours en connaître l’origine : lignes et écheveaux de barbelés rouillés, portes et volets métalliques…

Préserver la nature sans oublier l’histoire

  • Objectif n°1 : redonner son intégrité à la nature dans le Mont-Viso

Le territoire du Mont-Viso a été reconnu à l’été 2014 par l’Unesco comme Réserve de biosphère transfrontalière, à l’initiative du Parc Naturel Régional du Queyras et du Parc du Pô Cuneese. Mountain Wilderness prépare aussi depuis plus d’un an ce chantier, en étroite collaboration avec les gestionnaires de ce site remarquable, à savoir la Réserve naturelle nationale de Ristolas Mont Viso et le Parc naturel régional du Queyras, et avec le soutien des autorités italiennes (notamment la Région Piemont) et l’accord du ministère italien de la Culture et les services historiques français et italien. Plusieurs repérages ont été nécessaires pour préparer cette opération d’envergure, une pensée toute spéciale de toute l’équipe à Jean-Marc qui nous a quitté et qui a été l’une des chevilles ouvrières dans la préparation de ce chantier.

Réparti sur 10 sites autour des cols de la Traversette et de Valante, le chantier a permis de libérer des espaces naturels de matériaux dangereux pour l’homme comme pour la faune, et notamment pour le bouquetin. Réintroduit il y a vingt ans dans cette zone, il est très exposé aux risques de blessures à cause des pointes de métal des barbelés qui se coincent entre ses sabots.
Une partie des sites où nous sommes intervenus sert de pouponnière aux bouquetins : les étagnes (femelles) et leurs petits s’y rassemblent chaque année. L’enlèvement des ferrailles sera donc salvateur pour eux.

  • Objectif n°2 : faire œuvre pédagogique et donner un sens à ces vestiges historiques

Cette année 2015 est marquée par de nombreuses commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au Mont Viso, Mountain Wilderness travaille à sa façon pour redonner vie à l’Histoire, versant montagne.
Car si le chantier enlève des installations obsolètes, il ne « nettoie » pas la mémoire. Bien au contraire, l’opération donne au grand public des clés pour comprendre ces traces du passé. Un panneau d’interprétation sera prochainement installé sur le site. Il permettra à chacun de replonger dans cette époque où les lignes de crêtes étaient un théâtre de guerre, organisé selon une symétrie bien particulière, où des hommes sont morts pour un mètre de frontière à défendre. Des lignes de crêtes maintenant partagées par tous les passionnés de montagne.

A noter que chacun des sites où Mountain Wilderness est intervenu ce week-end a fait l’objet d’un relevé précis sur carte, avec photos, réalisé par les agents de la Réserve Naturelle et la DRAC. Ces documents seront transmis aux archéologues et chercheurs.

45 bénévoles mobilisés pour ce chantier exigeant

Malgré une météo aléatoire, 45 personnes – agents de la Réserve et bénévoles de Mountain Wilderness – âgées de 15 à 75 ans, se sont engagées avec enthousiasme et détermination, à la force de leurs bras, dans ce chantier physique et exigeant. Les 10 sites sont situés entre 2 650 m et 3 096 m, et demandaient jusqu’à 2 heures de marche d’approche.

Les participants venaient de différentes régions d’Italie et de France (Languedoc-Roussillon, Lorraine, Rhône-Alpes, PACA...), la plupart en co-voiturage. Un jeune accompagnateur est même venu à vélo ! Pour quasiment la moitié des bénévoles, c’était le premier chantier – et ce n’était pas le plus facile ! Bonne nouvelle : tous les participants ont répondu "OUI" à la question de participer à un autre chantier, en ajoutant : "avec beaucoup de plaisir", "avec grand plaisir", "plutôt deux fois qu’une", "certainement", "bien sûr", "oh oui", "dès que possible", "plus que jamais"...
Les 14 tonnes de métal rassemblées et évacuées par héliportage ont été prises en charge pour être recyclées par la communauté de communes de l’Escarton du Queyras et un ferrailleur.

Ils y étaient, ils nous racontent :

Christophe Corbet

« Bravo et encore merci pour l’organisation au poil. J’ai passé un bon moment et je ne vais pas hésiter à faire la promotion de ces événements. Je suis également tout à fait disposer à consacrer un peu de mon temps à d’autres opérations, n’hésitez pas à me contacter pour cela. »

Rémy Bernade

« Bien content d’avoir pu participer à ce chantier, l’occasion de rencontrer des gens fort sympathiques. Et quelle satisfaction de voir des rochers libérés de leur hideuse carapace de barbelés ! Merci à MW de nous donner la possibilité de le faire. »

Jean-Paul Rochaix, maître d’œuvre du chantier, raconte la matinée finale :

« Curieusement, ce matin là, la mer de nuage remonta la vallée du Guil. D’abord, aux premières heures sur la Pierre Écroulée, puis sa nappe vint caresser les pentes du col Valante. Seul le refuge, comme un phare, sortait de ce flux. C’est sur cet îlot que l’hélico put se poser dès son arrivée depuis sa base. Le temps d’un bon café avec le pilote, le soleil fit disparaître tout nuage. Sentinelle avec sa couche de neige fraîche, le Viso trônait dans un ciel magnifique à perte de vue. Dès la reconnaissance et les déposes faites, les rotations débutèrent. Les premières charges du Plan del Maït et de "sous la casemate" dépassèrent les 700kg sous les objectifs photos et vidéos. Avec les encouragements de nombreux randonneurs italiens et français, les sept charges de la "casemate" prirent leur envol pour le Guil. Celles du col traversèrent allègrement vers la Pierre Écroulée. Dans cette limpidité de l’air, la pointe Joanne montrait la suite de l’opération. Le Passo del Losetta et le col Valante virent leurs charges disparaître sous l’oeil du Viso, visionnaire de nouvelles opérations sur ses flans. Merci et à bientôt. »

Les agents de la Réserve Naturelle nous parlent de la faune des Alpes

Le chantier a aussi été une belle occasion d’échanger avec les agents de la Réserve Naturelle Nationale de Ristolas Mont Viso. Ils nous ont notamment parlé de deux espèces endémiques de la Réserve : la pastel des Alpes et la salamandre de Lanza. Cette dernière cultive le mystère dans sa robe noire : elle ne sort que 20 jours par an ! Ce qu’on sait d’elle : elle donne naissance à 2 petits tous les 4 ans (eh oui… 4 ans de gestation !) et sa longévité est estimée à 20 ans.
Six participants ont eu la chance de l’observer à des moments et endroits différents. Ils ont pu ainsi compléter une fiche de relevé qui sera fort utile aux Parcs du Queyras et du Pô qui souhaitent en savoir plus sur sa répartition et les caractéristiques de son habitat pour mieux la conserver.
Ces journées ont également été l’occasion d’échanger sur d’autres espèces de nos montagnes qui ont encore une très mauvaise réputation auprès de la population française : le loup, le vautour et la vipère.

© Lionel PASCALE
Lionel PASCALE

Au refuge du Viso, on dit non aux lignes à très haute tension !

Samedi c’était barbelés le jour, et rock’n roll le soir ! Le refuge du Viso a en effet accueilli un concert de soutien à la prochaine action d’opposition aux lignes à Très Haute Tension, les 19 et 20 septembre au départ de la gare d’Eygliers-Montdauphin. Une belle occasion d’échanger avec des Italiens et des Français sur les actions passées et actuelles. Pour aller plus loin :

Bilan chiffré des opérations installations obsolètes menées par Mountain Wilderness

  • 31 chantiers réalisés depuis 2001
  • plus de 365 tonnes de barbelés, pylônes de remontées mécaniques, et matériaux divers retirées de la montagne
  • au total, près de 3 900 jours de travail réalisé par plus de 1 300 participants

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