Héliski
Mathis Dumas

L'héliski, une pratique interdite mais florissante

Alors que le thermomètre s’affole même en plein mois de janvier, alors que nous avons plus que jamais besoin d’avoir accès à des espaces de ressourcement, l’omniprésence de l’hélicoptère à des fins de loisirs en montagne est une aberration. Malgré des lois qui existent pour préserver nos montagnes et leur silence, les offres d’héliski (une pratique qui consiste à remplacer les peaux de phoques ou les remontées mécaniques par un hélicoptère) abondent dans les Pyrénées, les Alpes du Sud, et de façon particulièrement marquée dans les Alpes du Nord.

5 min de lecture
Loisirs motorisés

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 05 févr. 2024

Atteinte à la wilderness

Le vrombissement de ces aéronefs porte atteinte au silence en montagne, l’une de ses qualités intrinsèques, troublant la faune et dégradant la qualité de l’expérience des alpinistes, randonneurs et promeneurs qui viennent y trouver un répit à la pollution sonore subie dans leur vie quotidienne.
Il est particulièrement intolérable que ces aéronefs permettent à quelques clients fortunés de trouver des pentes enneigées quand il en manque plus bas, alors que ce type d’activité ultra-émettrice en gaz à effet de serre1 contribue justement à la rareté de la neige.

Contournement de la loi

En 1985, l’article 76 de la Loi Montagne confirmait l’obsolescence de cette pratique, en interdisant aux pilotes d’aéronefs de déposer des passagers à des fins de loisir en montagne. La loi montagne entérinait ainsi une disposition de 1977 : sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République et grand amateur de montagne, ce décret relatif à la protection et à l’aménagement de la montagne mettait fin à la pratique de l’héliski.
Si cette loi a été appliquée à la lettre, son esprit a longtemps été allègrement contourné, l’hélicoptère étant utilisé pour la reprise des skieurs en bas de hors piste, le point de départ ayant été atteint par une montée en remontée mécanique, ou bien en hélicoptère à partir d’un pays voisin. La mobilisation de Mountain Wilderness, France Nature Environnement et du Club Alpin Français a abouti à l’interdiction de la reprise en février 2022.

Malgré cette victoire, la stricte interdiction de l’héliski par le code de l’Environnement concerne uniquement la montagne française. Un simple saut de frontière en direction de la Suisse, de l’Italie ou d’Andorre (pays bénéficiant d’une réglementation plus souple) permet à de nombreux professionnels de proposer cette pratique au départ de stations françaises.


De A comme Avoriaz à V comme Val Thorens, toutes ou presque proposent de l'héliski

Ainsi, un grand nombre de stations de ski proposent des sorties en héliski. Parmi les nombreux exemples :

  • Le site France Montagnes intègre l’héliski parmi les critères de choix d’une station : on a ainsi accès à la liste (non exhaustive) de 13 stations proposant cette activité
  • Les écoles de ski (ESF) de nombreuses stations mettent également en avant cette pratique sur leur site web, avec des rubriques consacrées : Tignes | Les Menuires | Courchevel | Les Arcs.

Quelques acteurs locaux du tourisme viennent compléter cette offre. Certains n’ont pas encore intégré l’évolution de la législation et proposent encore de récupérer leurs clients en France « après une descente hors des sentiers battus2 ».

Le bourdonnement désagréable de ces hélicoptères chargés de skieurs s’ajoute à la multiplication de l’offre de vols transferts (vallée - station depuis Tarbes, Annecy, Genève, ... mais également inter-stations !) ou de vols panoramiques. À titre d’exemple, l’offre de taxis aéroportés entre les Deux-Alpes et l’Alpe d’Huez entraîne un trafic aérien incessant de 9h à 17h30.

Ainsi, l’évolution de la législation a permis de maintenir la quiétude et le caractère sauvage de quelques uns des itinéraires et des espaces dans lesquels ces pratiques étaient monnaie courante (vallon du Grand Sablat, Vallon des Encombres, versant français du Ruitor, ...). Cependant pour contenter une minorité de pratiquants, certains professionnels exportent la pollution due aux hélicoptères de l’autre côté de la frontière. Les loisirs motorisés n’ont pas leur place dans les derniers espaces de wilderness, ni en France ni à quelques minutes de vol de la frontière.

Mountain Wilderness poursuit donc sa lutte contre les impacts des loisirs motorisés en montagne, et nous continuerons à œuvrer en faveur de la moralisation des pratiques en montagne, avec l’ensemble des acteurs concernés. C’est en ce sens que, par exemple, Mountain Wilderness a adressé une lettre au président de l’École de ski français pour lui demander de mettre fin à la commercialisation d’offres héliski dans les ESF, dans la logique de leur engagement dans le parcours Alpes de la Convention des Entreprises pour le Climat.

  1. Les hélicoptères du modèle "Écureuil" consomment en moyenne 180 litres par heure.
  2. Savoie Hélicoptères

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