Où atterir ? Une journée à Chastreix pour parler des transitions en montagne

Dans de nombreux territoires, le modèle du « tout-ski » structure encore majoritairement les imaginaires et les économies locales. Pour certains, concevoir un avenir sans neige ni remontées mécaniques reste difficile. Mais la transition ne consiste pas seulement à remplacer le ski par une autre activité : elle invite à repenser nos façons de cohabiter et coopérer de manière plus durable dans le bassin de vie.

À travers des témoignages variés, la journée a permis de mettre en commun des démarches collectives de transition : diagnostics sensibles, dynamiques participatives et accompagnements collectifs des territoires. L’objectif était d’interroger ensemble la manière dont les montagnes peuvent redevenir des lieux habitables, en questionnant les freins et accélérateurs potentiels de changement. L’essentiel lors de cette rencontre à surtout été de comprendre avec qui atterrir ?

« Le poids culturel du ski fonctionne parfois comme une ancre, avec des ressorts affectifs et liés à une identité forte qui sont en jeu », souligne Benoit Nenert, de la Fabrique des transitions.

Deux phénomènes sont alors observables :

• Un attachement matériel : à la neige, aux infrastructures, au patrimoine
• Une dépendance affective : à l’égard du modèle des stations, qui n’est plus viable aujourd’hui.

Ces tensions créent des divergences de points de vues, de vision et de conflits entre les imaginaires : Faut-il démonter les équipements obsolètes ou les considérer comme partie intégrante du patrimoine montagnard ? Jusqu’où produire de la neige artificielle ? Comment maintenir l’économie tout en adoptant un nouveau modèle de vie ?

Une réelle dualité s’installe alors entre un sentiment de nostalgie envers l’ancien modèle du rêve blanc, et la volonté de construire un vie désirable en montagne à l’année.

Beaucoup de territoires peinent encore à se projeter juste par peur du mot même de “transition”. Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness, mentionne que la transition consiste à « réorienter l’attention vers ce qui fait déjà sens » plutôt que de chercher à tout remplacer radicalement. Le but n’étant pas de contraindre les territoires mais de leur ouvrir un chemin de pensée différent.

Ce séminaire a laissé l’espace à différents acteur·ices de la transitions de partager leur démarches :

• La Fabrique des transitions : présentation du projet BeyondSnow, qui accompagne grâce à des divers dispositifs mis en place, les territoires de moyenne montagne dépendants du ski dans la redéfinition de leur modèle.
• Le Massif Central : partage du plan d’adaptation du massif central, illustré par des exemples d’actions concrètes menées sur leur territoire.
• Cœur de Chartreuse : présentation de la démarche Montagne autrement 2030, un projet pour repenser collectivement le modèle local.
• Oisans Project : témoignage de Oisans Projet et de l'importance de la mobilisation collective et citoyenne dans la transition des modèles classiques des stations.
• Sansy, un avenir hors piste : présentation de Nezar El Hjiri et de son enquête photographique dans le Sancy sur l’aménagement et le renoncement au tourisme de masse en station de moyenne montagne.
• Démocratie vivante : témoignage autour de nouvelles formes de gouvernance locale et participation citoyenne illustrées dans le livre Petit manuel de démocratie vivante rédigé à trois main par Albane Roussot, Pierre Leroy et Karine Banderier.
• Mountain Wilderness : partage des réflexions issues du film La Meije demain et du livre de Fiona Mille, Réinventons la montagne, qui explorent de nouvelles manières d'appréhender la montagne.

Cette journée à Chastreix a insufflé beaucoup d’espoir aux participant·es et acteur·ices locaux·ales. De nombreuses initiatives concrètes émergent, et de plus en plus de territoires se sentent concernés.

La plupart de ces projets s’inscrivent dans une approche systémique, révélant une véritable volonté citoyenne de repenser l’habitabilité et la vie collective des territoires. Les outils de diagnostic développés sont précis et sensibles. Ils intègrent autant que possible l’habitabilité des territoires dans toutes leurs dimensions (économique, écologique, sociale, de biodiversité, patrimoniale…), permettant ainsi d’accompagner pleinement les bassins de vie en fonction de leur maturité.

L’enjeu commun à tous ces projets est de sortir d’un modèle d’exploitation pour apprendre à faire avec le vivant, sans le consommer. La clé, c’est l’intelligence collective : ensemble, tout devient possible, seul·e, la transition ne se fait pas. Nous devons nous mobiliser pour retrouver la capacité d’agir ensemble.

Finalement la montagne n’a besoin que d’une chose, qu’on commence enfin à en prendre soin, collectivement. Alors, continuons d’imaginer de nouvelles manières d’atterrir ensemble !

Un grand merci à tous les participant·es de cette journée ainsi qu’à Satoriz, pour sa généreuse contribution.