© Julian Nyča | CC BY SA 3.0

À Notre-Dame de la Serra, on consacre la moto trial

La ville de Calvi accueillait en ce Pont de l'Ascension les championnats du monde de moto trial. Une soixantaine de pilotes a ainsi participé à cette compétition dans un « décor de carte postale » selon les mots de la Fédération Française de Motocyclisme (FFM), puisque 11 des 12 « zones trial » prenaient place sur les mythiques blocs de granite qui entourent la chapelle de Notre-Dame de la Serra. Même en passant sous silence les pollutions et nuisances (atmosphériques, sonores) irrémédiablement associées à cette pratique sportive qui repose sur la combustion de pétrole et la sur sollicitation des moteurs 2 temps, Mountain Wilderness ne peut que dénoncer la tenue d’un tel évènement en 2025.

Corse
Loisirs motorisés

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 05 juin 2025

Une dégradation durable du milieu pour trois jours de compétition

Afin de permettre à 60 personnes de vivre deux jours de compétition (trois en comptant l’entrainement officiel qui se tenait le vendredi) les abords de dizaines de blocs de granite ont été défrichés, et les blocs en question ont été percés et chevillés pour qu’y soient ancrés des panneaux indicateurs, des piquets de délimitation du parcours et de nombreux panneaux publicitaires à l’effigie des sponsors de l’évènement. Ces blocs se trouvent au cœur de la « Côte Nord occidentale de la Corse et son arrière-pays », dont l’État a reconnu le caractère unique dès 1974 en en faisant un site inscrit afin de préserver l’esprit des lieux : le voilà défiguré, et pas seulement le temps d’un évènement. Si les rubalises et les publicités ont disparu dès lundi, les blocs de roche datant de la fin de l’orogenèse hercynienne porteront à jamais les stigmates des perforateurs.

Cette altération durable du milieu est d’autant plus regrettable que le site de Notre-Dame de la Serra était connu et apprécié des grimpeurs, promeneurs et simples visiteurs, dont on peut imaginer la surprise lorsqu’ils découvriront ces séquelles. Il ne s’agit pas de faire primer une activité de loisir sur une autre, mais de regretter la dépréciation durable du site causée par une poignée d’organisateurs au détriment de l’ensemble des autres visiteurs.

Les organisateurs véhiculent des messages antagonistes et incompatibles avec le respect de l’environnement

Au-delà de l’aménagement – regrettable – du site, c’est le message que véhicule cette compétition auprès des pratiquants qui pose problème : un message totalement contraire à celui de la loi Lalonde, qui dispose que « la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements, des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouverts à la circulation publique des véhicules à moteur. » Même en escomptant que les organisateurs aient obtenu toutes les autorisations nécessaires, l’esprit de cette loi de 1991 est piétiné par un évènement se déroulant hors sentier et retransmis en direct.

Certes, le site en question n’est pas une zone vierge : une route mène à la chapelle sommitale, des pylônes électriques strient le ciel, et un terrain de motocross a été aménagé à proximité. Ce constat devrait-il nous pousser à être plus laxiste ? Non, il nous appelle justement à préserver les quelques zones qui peuvent encore l’être. Quel besoin y avait-il de dénaturer davantage ce site ? La qualité des paysages et de l’environnement contribue à la notoriété de la Corse. En y portant atteinte, l’organisation des championnats du monde de trial 2025 se fait au détriment de la protection de l’environnement (alors même que la Tortue d'Hermann est présente sur le site, aux côtés de nombreuses autres espèces), de la pratique de sports de pleine nature (randonnée non motorisée, escalade), et est donc incompatible avec l’existence et le développement d’un tourisme respectueux de l’environnement. Le Parc naturel régional de Corse voisin l’a d’ailleurs compris, en inscrivant parmi ses objectifs prioritaires la maîtrise des pratiques motorisées et la limitation de leur impact sur les paysages et les habitats.

Comble de l’ironie, même les organisateurs reconnaissent le caractère fragile et précieux de ce site en ordonnant aux visiteurs : « Respectez la nature. Triez et gardez vos déchets ». Les visiteurs peuvent être légitiment déboussolés face à cette injonction à préserver un site préalablement défriché et goujonné pour qu’il soit compatible avec la pratique d’un sport motorisé en dehors des sentiers battus.

« La circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements, des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouverts à la circulation publique des véhicules à moteur. »

Article L362-1 du Code de l'environnement

Que faut-il attendre de la part des élus locaux ?

Il ne s’agit pas de blâmer les athlètes, car ces derniers participent à un évènement qui a pu avoir lieu grâce à l’appui – logique – du Moto Club de Balagne et de la Fédération Française de Motocyclisme (FFM Ligue Corse), mais aussi grâce aux choix politiques d’acteurs locaux : la Collectivité de Corse, l’Office de Tourisme et la Ville de Calvi.

Nous avons donc écrit au préfet et aux collectivités concernées, d’une part pour leur faire savoir notre surprise et notre indignation suite à la découverte du saccage de ce merveilleux site, et d’autre part pour nous assurer de la légalité de l’évènement et leur demander de limiter au maximum la délivrance des autorisations de ce genre.

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