40 ans du GR54 en 2004 © Pierre Masclaux Parc national des Écrins

Jean-Alix Martinez, portrait d'un visionnaire

Bon, il est question de faire un mot sur Jean-Alix. Le seul problème avec lui, c’est qu’il a fait, dit, écrit, joué, lu, peint et photographié, tellement de choses, qu’on ne saurait par où commencer et encore moins tout raconter en si peu de lignes. Alors il faudra se contenter de deux bribes, qui nous concernent en particulier, nous autres, adhérents de Mountain Wilderness et amis des Ecrins.

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Vie associative

Écrit par Philippe Imbert, administrateur de MW au début des années 2000

Publié le 18 janv. 2011

Bien sûr, il y a cette histoire du "tour de l’Oisans", dit GR54

C’est bien d’une histoire dont il s’agit ! Une de ces bonnes histoires qui se  produisent quand les montagnards laissent un peu la verticale pour prendre les travers. Elle précède celle du Parc national des Écrins et en est un fulgurant signe précurseur : les chercheurs/inventeurs d’Oisans, que sont Jean-Alix Martinez et Roger Canac, généreusement, sur les cartes puis à pied, en dessinent la zone centrale.

On est là en 1962/1963 ; Lucien Devies avait déjà plaidé, avec d’autres, la cause d’un "Parc national en Haut Dauphiné" ; le débat existe et d’aucun
s’enthousiasme ou s’inquiète ; nos deux compères, eux, donnent d’emblée la démonstration pratique de ce à quoi sert de marcher, faire marcher, à quoi servent les sentiers et les montagnes, et finalement de ce à quoi peut servir un parc national : à être plus heureux !

Jean-Alix marche et fait marcher ; deux semaines durant, avec tout sur le dos ; on est au mois de juillet, il y a de la neige de partout, tous les refuges ne sont pas gardés ni ravitaillés, les torrents réservent des surprises, certains cols ne sont pas franchis toutes les années ; les auberges et  les commerces sont plus que rares.

Bien sûr, puisqu’il est question d’être heureux, il n’est pas seulement question de marcher !

Jean-Alix, directeur d’une MJC lyonnaise, est accompagné de deux jeunes de 13 ans, un garçon et une fille, pour son premier tour de l'Oisans ; ces jeunes font des traces dans lesquelles marcheront de nombreux autres par la suite. Jean-Alix fait son travail d’éducateur, chemin faisant, il donne du corps à l’esprit et l’inverse aussi. Le projet, c’est aussi de favoriser les rencontres, entre jeunes des communes de l’Oisans (en 1963, Besse compte 27 jeunes de 15 à 30 ans, tous aux champs et tous pluriactifs, tous sans formation, tous célibataires), et avec ceux de Lyon ou encore de l’Arbresle.

Le tour de l’Oisans, pied de nez à l’autre tour, celui du Mont-Blanc, est ensuite assez rapidement devenu fréquenté et apporta aussi quelque amélioration à un développement local mesuré, par exemple l’ouverture d’une épicerie/bistrot au Désert en Valjouffrey. Le Parc, plus tard, développa cette invention qu’est le tour de l’Oisans.

Jean-Alix raconte que l’idée de ce tour naquit un soir à Mizoën, et qu’elle doit quelque chose à la force du paysage là-haut, et aussi à la chaleur des rencontres... « Donc ce soir là, les Russes étaient dans la lune... » Les Russes, direz-vous ? Dans la lune ? En 62 ? Quel rapport avec l’Oisans !? Mais, c’est que « vous ignorez tout de Mizoën ! »

Pionnier engagée de l'histoire de Mountain Wilderness

Jean-Alix, dont la présence dans le bulletin n°1 de l'association atteste la fidélité de sa présence à Mountain Wilderness, commet un deuxième exploit extraordinaire dans les années 90, pour nous, pour la montagne : en novembre 94, en pleine tempête associative, il écrit dans l’édito1 : « MW est un mouvement jeune et dynamique, c’est papy qui vous le dit ; un mouvement face à des échéances, nous ne nous déroberons pas. »

En effet, et comment ! Il faut faire rebondir MW à Grenoble ? Il devient secrétaire général, le téléphone/fax de l’association devient celui de son domicile, il participe et s’engage pour l’embauche, indispensable, d’un salarié, transforme son salon en bureau pour l’accueillir, et pire : il se lève tôt tous les jours pour être prêt à recevoir Carmen, déjà matinale ! Puis, entre mille choses, il trouve le local de Seyssins et continue à œuvrer pour que MW trouve sa place à la Maison de la Nature, à Grenoble.

Retraité, cuisinier et artiste, il ne se sent pas l’âme d’un meneur et garde le souvenir d’une époque bien difficile pour lui ; certes ! mais quel résultat avec le recul ! Encore une fois, quelle justesse de vue sur le chemin à emprunter ! Quels jalons !
Jean-Alix ? Visionnaire ! un artiste, j’vous dis !

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