Pour qu’il y ait un commun foncier au sens de ce texte, il faut que trois conditions soient réunies : une ressource naturelle à partager (forêt, pâturage, eau), une communauté usagère qui dépend de cette ressource et un système de gouvernance et de gestion de la ressource basé sur des droits d’usages et des devoirs envers le collectif. Ces devoirs prenaient (et prennent encore) la dénomination de corvées, de participations ou de prestations, selon les régions. Il s’agit de travaux collectifs pour l’intérêt commun (entretiens divers : paysage, canaux, fossés, lavoirs, bâtiments, etc.), mais la corvée est maintenant un mot qui est perçu péjorativement. Pourtant, ces moments rythment la vie du village, offrent des occasions de rencontre et tissent le lien social au cœur des communautés locales. En pratique, les formes de communs fonciers sont extrêmement diverses (consortages, sections de commune, sociétés foncières ancestrales, etc). Cela s’explique par la spécificité de l’organisation sociale de chaque territoire et de son milieu naturel. Alise Meuris, paysagiste, précise : « Il est important de comprendre que diversités biologiques et culturelles se transforment mutuellement, formant des paysages, des socio-écosystèmes uniques adaptés au contexte local »5. Un bon exemple de ces socio-écosystèmes est celui du Bien Pyrénée-Mont Perdu, façonné à travers un lien millénaire avec le pastoralisme6.
Si le terme générique de “communs” ou communaux revient aujourd’hui dans le débat public, les ayants droit eux lui préfèrent souvent les appellations locales. Eric Thiolière est un consort de la Montagne de Blaitière. Il nous explique l’étymologie de ce mot : « le terme de consortage vient de “con” (avec) et “sort” (se préoccuper du futur), donc les consorts sont littéralement des personnes qui se préoccupent ensemble du futur » 7. Les communautés paysannes ont toujours eu un rapport cyclique au temps, le futur étant un éternel recommencement du passé. La question du soin au territoire et de la transmission aux générations futures est donc centrale au sein des communs fonciers8.
Il est possible de distinguer schématiquement deux types d’organisations foncières principales :
Les propriétés collectives comme les consortages de Chamonix dans lesquelles la communauté des membres est propriétaire du foncier et la transmission des droits d’usage se fait sur une base héréditaire.
Les communautés usagères où les droits d’usage sont accordés aux résidents permanents d’un lieu donné (village, hameau) mais le sol est la propriété d’autrui (aujourd'hui d’une commune, d’une section de commune ou de propriétaires privés).
Il existe aussi des biens immobiliers au sein des communs fonciers : fours banaux, maisons d’assemblée dans les villages, canaux d'irrigation, etc.