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Tomorrowland Winter 2026, c'est reparti pour un (mauvais) tour

La billetterie de Tomorrowland Winter 2026 est ouverte depuis le 20 septembre dernier : l'occasion de rappeler ce que ce festival implique pour le territoire. Derrière les strass et les paillettes se cachent notamment des nuisances avérées pour les habitant·es et une banalisation de l'espace montagnard, réduit à un support décoratif pour méga évènement "culturel" déconnecté des enjeux environnementaux. Voici un aperçu des dessous du festival contre lequel nous portons plainte.

5 min de lecture
Isère
Oisans
Espaces protégés

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 09 déc. 2025

Un impact carbone colossal

Avant toute chose, et comme tout méga évènement, le festival Tomorrowland Winter a un bilan carbone colossal. Le transport des festivaliers représente à lui seul plus des trois quarts (77 %) du bilan carbone, et pour cause : parmi les 22 000 participants, plus de 47 % viennent de l'étranger. Si certains parviennent à se rendre à Huez en autobus, l'avion est largement mis en avant par les organisateurs du festival qui proposent des "Flight Packages" au départ d'Amsterdam, Bruxelles ou Barcelone, avec tout ce que cela a d'indécent alors que les habitant·es de l'Oisans commémoraient cet été les 3 ans de la disparition du glacier de Sarenne.

Le festival est par ailleurs un pinacle du consumérisme, dont les organisateurs comme les participants ne font que peu de cas des enjeux environnementaux. Dans sa gazette, l'organisateur du festival se targue de "façonner des solutions en faveur d'un avenir meilleur". Parmi ces solutions, certaines sont louables : la valorisation de l'urine des visiteurs à des fins agricoles, la fin du gaspillage alimentaire ou la mise en place de navettes pour circuler dans Huez. D'autres, comme le tri efficace des déchets, sont insuffisantes puisqu'elles essayent de réduire les conséquences sans s'intéresser à la source de ces déchets. Il en va de même pour l'utilisation des huiles végétales (HVO) en guise de carburant sur place, alors que les machines concernées ne représentent qu'1,5 % des émissions de l'évènement. Certaines enfin sont risibles tant elles semblent être en décalage avec la réalité ou l'ordre de grandeur des enjeux : la mise en place des distributeurs de crème solaire pour réduire la pollution "liée aux petits flacons en plastique" ou un engagement à ne pas offrir de tours en hélicoptère pour "réduire de façon significative les émissions de carbone". La planète les remercie.

Des conséquences sur l’aménagement du territoire

Pour accueillir le festival une semaine par an, la commune d'Huez se plie en quatre, quitte à sortir des clous. Elle s'est en effet engagée à réaliser un certain nombre d'aménagements et de terrassements pour permettre le bon déroulement du festival. En septembre 2024, pour accueillir la scène principale du festival dans un espace plus vaste encore (1 500 m2  supplémentaires), la commune a procédé à l'agrandissement du terrain de football sans qu'aucun permis ne soit affiché sur place. Ces travaux, dont la légalité reste à prouver, ont coûté pas moins de 600 000 euros.

Des nuisances sonores avérées

Sans préjuger de la qualité des disc-jockeys, Tomorrowland Winter est une source importante de nuisances sonores. Dès 2023, le festival a été épinglé par l'Agence régionale de santé (ARS) pour avoir allègrement enfreint la réglementation en matière de nuisances sonores1. Après avoir procédé à la mesure des émergences sonores lors de l'édition 2023 du festival, l'ARS mettait en évidence que la diffusion des sons amplifiés par le festival constituait une infraction au code de la santé publique, et ce de jour comme de nuit. L'atteinte à la tranquillité du voisinage était déjà caractérisée, et ce alors même que la main stage (scène principale) n'était pas encore en service. En 2025, Mountain Wilderness, Stop Tomorrowland Alpe d'Huez, Actionnaires pour le Climat et France Nature Environnement Isère ont fait appel à un bureau d'étude spécialisé en acoustique pour remarquer d'éventuelles évolutions. Le constat a été sans appel : de jour comme de nuit, dans les appartements riverains comme dans la rue, les mesures ont confirmé l’existence de nuisances sonores dépassant les limites réglementaires, objectivant par là même le ressenti d'un certain nombre d'habitant·es.

Un méga événement pseudo-culturel au bilan économique contesté

Concrètement, le festival est perçu par le territoire comme une machine à cash, et non pas comme un évènement culturel. Son seul objectif est de redynamiser la "queue de saison", c'est à dire la période creuse qui suit les vacances de février. Il ne s'agit pas de faire rayonner la culture, mais bien de faire rayonner la station de l'Alpe d'Huez. 

Les arguments des défenseurs du festival illustrent bien ce point : ils sont d'ordre économique et purement déclaratifs (33 millions € de retombées supposées sur la région, dont 16 pour la station) ou d'ordre médiatique (20 millions de vues sur TikTok).

Comment expliquer autrement l'augmentation systématique du seuil du festival (20 000 participant.es en 2024, 22 000 en 2025, 24 000 en 2026) ? Il ne s'agit pas de rendre la culture accessible au plus grand nombre, a fortiori quand le pass pour 4 jours coûte 540 euros, mais bien d'augmenter le chiffre d'affaire du festival et de remplir les lits vides de cette partie de l'Oisans.

Mountain Wilderness ne nie pas la place pleine et entière qu'occupe la musique techno dans le monde culturel. Cependant, nous regrettons que Tomorrowland Winter siphonne les subventions publiques aux dépends d'évènements culturels, dans un contexte de rigueur budgétaire et de répression des free party. En 2019 comme en 2024, le festival a reçu plus d'un million d'euros de subventions2. En 2024, le montant des subventions versé par la commune, la SATA (Société d’Aménagement Touristique de l’Alpe d’Huez et des Grandes Rousses) et l'Office du tourisme est approximativement le même, malgré la baisse des subventions régionales3.

La question se pose : pourquoi subventionner un évènement largement rentable, alors même que ses retombées sur le territoire ne sont pas avérées ? Car en effet, et à rebours des chiffres avancés par les organisateurs, la cour des comptes estimait à près de 600 000 euros le manque à gagner pour les remontées mécaniques dû au festival.

L’action de Mountain Wilderness

En 2025, Mountain Wilderness a mené une action contentieuse auprès du Tribunal Administratif de Grenoble, aux côtés de France Nature Environnement Isère, d'Actionnaires pour le climat, et du collectif Stop Tomorrowland Alpe d'Huez. Fidèles à la raison d’être de l’association (faire cohabiter montagne sauvage et montagne à vivre) et sur la base du rapport rédigé par l'ARS en 2023 et des mesures du bruit renouvelées par nos soins en 2025, nous avons opposé à la société Tomorrowland Winter et au Maire de l'Alpe d'Huez le droit fondamental des habitant·es d'Huez à "vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" (Charte de l'environnement, art. 1), dans le cadre d'un référé liberté. Pour accéder à notre demande, il suffisait aux organisateurs de respecter la réglementation en vigueur.

Si le tribunal n’a pas donné raison à Mountain Wilderness en contestant son intérêt à agir, le juge a néanmoins reconnu que le volume sonore du festival dépassait largement les seuils d’émergence réglementaire. L’organisateur et le Maire de l’Alpe d’Huez ont également reconnu la non-conformité du festival au regard des normes sanitaires et environnementales, préférant mettre en avant les retombées économiques supposées sur le territoire. Selon eux, l'intérêt économique peut bien primer sur le droit pendant les sept jours du festival.

Et maintenant ?

Le référé liberté porté par l'association et les riveraines n'a pas été retenu par le juge administratif car nous n'avions pas, selon lui, d'intérêt à agir. Le juge a par ailleurs estimé que les riveraines - en leur qualité de résidentes secondaires - pouvaient s'abstraire librement de la nuisance.

Au cours de cette démarche, le caractère illégal de l'évènement a été maintes fois démontré ou acté (par l’étude acoustique mais également par le maire, l’organisateur, le juge des référés, …). Les impacts de ces dépassements ne se limitent pas aux seules nuisances pour les habitant·es, mais concernent également l'ensemble de la faune de montagne, la bulle de bruit s’étendant bien au delà du cœur de la station. Mountain Wilderness et France Nature Environnement vont donc déposer plainte contre l’organisateur du festival pour ces nuisances sonores. 

Mountain Wilderness étant pleinement légitime dans son action, l’intérêt à agir — étape procédurale nécessaire — sera solidement démontré et nous apporterons tous les éléments permettant de convaincre le juge du bien-fondé de notre démarche. Toutefois, pour que le dépôt de plainte de Mountain Wilderness soit suivi d'effets, il est préférable qu'il soit accompagné de plaintes de résident·es à l'année. 

Écrivez-nous si vous souhaitez nous aider à porter la voix des résident·es à l'année qui subissent les nuisances hors-normes de ce festival qui porte atteinte à la possibilité de vivre à l’année en montagne ainsi qu’à la sensibilité du vivant sous toutes ses formes.

  1. Article R571-26 du code de l'environnement, articles L1311-1, L1336-1, R1336-4 à R1336-11 du code de la santé publique, Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés.
  2. Après prise en compte des frais annexes engendrés par le festival, la commune d'Huez et la Région AuRA ont respectivement versé à l'organisateur du festival 800 000 euros et 200 000 euros en 2019.
  3. 50 000 euros seulement.

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