© Fiona Mille

Le SCoT : un outil majeur pour ménager les territoires de montagne

Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) est un outil de gestion de l’aménagement du territoire. En France, entre un quart et un tiers des SCoT se trouve en zone de montagne [1]. A quels enjeux doit répondre cet outil pour être véritablement vertueux pour nos territoires ? Le point avec Patrick Vauterin, Directeur départemental des territoires du Doubs et Délégué territorial adjoint de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

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Transition
Aménagement
Montagne à vivre

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 22 juin 2022

Un cadre réglementaire spécifique à la zone de montagne

Une première manière d’identifier les questions qu’un SCoT de montagne doit résoudre pour être « vertueux » est de se référer aux dispositions juridiques particulières de compatibilité avec les « conditions d’utilisation et de protection de l’espace montagnard ». Elles sont décrites aux articles L.122-4 à 25 du Code de l’urbanisme et concernent notamment l’interdiction de routes nouvelles, l’extension de l’urbanisation en continuité, la préservation des espaces naturels et agricoles et des rives des grands lacs ou encore la création d’unités touristiques nouvelles… Le Gouvernement a rappelé en octobre 2018 l’importance de ces dispositions législatives et réglementaires.

Le strict respect de toute cette réglementation semble donc un minimum pour un territoire de montagne qui voudrait se doter d’un SCoT « vertueux ». Pourtant, au regard des avis réservés des services de l’État sur certains documents arrêtés par les collectivités, ou des contentieux sur les documents approuvés, ce degré de congruence minimal ne semble pas toujours respecté.

Pour aller au-delà de cette approche juridique de simple conformité à la réglementation, la question posée nécessite de revenir à l’essence même des SCoT, outil créé par le législateur pour permettre aux territoires de planifier leurs grandes orientations d’aménagement et de développement sur le long terme (20 ans). Ce cadre référence pour les différentes politiques sectorielles, interroge des questions d’organisation de l’espace et d’urbanisme, d’habitat et d’aménagement commercial, de mobilités, d’environnement, de biodiversité, d’énergie… à l’échelle d’une aire urbaine, d’un grand bassin de vie ou d’un bassin d’emploi.

Une planification à l’horizon 2050

Cela devrait donc amener le territoire qui se lance aujourd’hui dans l’élaboration ou la révision d’un SCoT à se poser la seule question qui vaille : quelles transformations souhaitons-nous impulser sur notre territoire à horizon 2050 sur l’ensemble de nos politiques publiques ? En matière de gaz à effet de serre et de changements climatiques, 2050 était un horizon lointain utilisé par le GIEC dès ses premiers rapports en 1990 : c’est désormais l’échéance de nos planifications. En matière d’artificialisation des sols, 2050 est l’objectif temporel que nous nous sommes donnés pour infléchir nos comportements vers le « zéro artificialisation nette ». 2050 est également l’échéance fixée par le cadre mondial de la biodiversité pour atteindre la vision commune de « vivre en harmonie avec la nature »…

Ces engagements que nous avons pris au niveau national et international doivent être consolidés, suivis et mis en cohérence entre eux à l’échelle de nos territoires de planification. Cependant, si l’ambition de changement de regard sur le modèle de développement du territoire est parfois porté avec force sur une politique publique – le nouveau modèle de développement touristique 4 saisons du Haut-Doubs à 2035 qui se construit autour de la station de Métabief en est un bel exemple – il est rare que cette transformation de modèle soit portée en cohérence et de manière transversale sur l’ensemble des questions que doit résoudre les territoires au travers de leur SCoT : urbanisme, habitat, déplacements, développement commercial, environnement… On lira, s’il est besoin de s’en persuader, les retours d’expérience dans les rapports annuels des Missions régionales d’autorité environnementale (exemple pour Auvergne-Rhône-Alpes).

Travailler avec les territoires limitrophes

Dernier point : cette question de la vision transformatrice du territoire doit être travaillée à la bonne échelle en cohérence avec les territoires limitrophes. Trop souvent, les diagnostics territoriaux préalables au projet d’aménagement stratégique présentent les dynamiques à l’œuvre sans se préoccuper des territoires voisins. Les cartographies semblent alors représenter des îles sans coopérations territoriales. Sur nos territoires de montagne, ceci est dommageable à double titre. D’une part, parce que les intercommunalités sont restées de taille limitée en profitant des exceptions permises par la loi montagne lors de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale, ce qui rend plus difficile la nécessité de construire le SCoT à la bonne échelle. D’autre part, parce que nombre de SCoT de montagne sont des territoires frontaliers qui doivent intégrer cette dynamique particulière dans leur projet de transformation.

Cette exigence adressée aux élus de construction d’une vision de transformation de leur territoire à horizon 2050 sera d’autant plus facile à mettre en œuvre qu’elle se mettra en œuvre dans un cadre législatif et réglementaire stabilisé. A rebours des modifications incessantes subies depuis 15 ans, c’est ce qu’on peut souhaiter pour la nouvelle mandature qui s’ouvre.

[1] Les zones de montagne au titre du droit de l’urbanisme, définissant les communes ou parties de communes assujetties aux dispositions du code de l’urbanisme - partie spécifique à la montagne. Les particularités de ces SCoT sont donc explorées depuis près d’une dizaine d’années – et dès avant la 2e loi Montagne de décembre 2016 – par la Fédération nationale des SCoT avec l’appui du CEREMA.

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