© Nicolas Hairon

Opposition au projet "Ski Line" de Tignes

Face au projet controversé de « Ski Line » à Tignes, qui prévoit un investissement de 63 millions d’euros pour une infrastructure de ski intérieur, les voix s’élèvent. Associations environnementales, citoyens locaux et experts dénoncent unanimement l’impact écologique, le coût exorbitant et le décalage avec les principes de développement durable. Malgré les critiques, le préfet des Alpes a validé le projet tout en imposant des garanties inédites.

5 min de lecture
Vanoise
Savoie
Aménagement

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 28 mars 2017

Le ski en boîte à Tignes : une infrastructure décriée mais autorisée

En décembre dernier, Mountain Wilderness dénonçait le projet de « ski en boîte » porté par les élus de Tignes : La montagne en boîte ? Tignes veut y investir 63 millions !.
Passant outre les points d’alerte des représentants associatifs1 en commission UTN (Unité Touristique Nouvelle) soulignant l’absurdité du projet, le préfet coordonnateur du Massif des Alpes signait l’arrêté autorisant cette infrastructure.

Cette alerte aura cependant conduit à prévoir au sein de l’arrêté une reconversion ou une démolition de l’aménagement en cas d’absence de rentabilité économique2. Cette mention est une première, par laquelle le préfet choisit de mettre en œuvre les nouveautés réglementaires prévues dans le cadre de la Loi Montagne II concernant les Installations obsolètes avant même qu’elles ne soient formellement applicables (lire à ce sujet : La loi montagne oblige le démontage des installations obsolètes).

Les citoyens mobilisés

Localement, l’opposition est partagée par un grand nombre d’habitants de Tignes. Pour agir, il se sont rassemblés en collectif (Non au Ski Line de Tignes), lançant une pétition à l’attention du maire, lui demandant d’organiser un référendum sur la question. Près de 1000 personnes ont déjà signé cet appel ouvert initialement aux seuls habitants de Tignes ; un franc succès quand on sait la commune compte 2 365 habitants (chiffres 2011 - mairie de Tignes). Le résultat présenté aux élus à l’occasion d’une réunion publique accusa une fin de non-recevoir, le maire refusant formellement l’organisation de ce référendum. En réaction, le collectif a décidé d’ouvrir l’appel à pétition à tous les citoyen-nes-s.

©Non Ski Line Tignes

Un "recours gracieux" contre ce projet

Pour se doter de plus de force de frappe, le collectif de Tignes s’est monté en association, ce qui lui a permis de déposer un recours gracieux3 contre le projet. La FRAPNA Savoie4 a également utilisé ce recours.

Dans son récent avis sur le Schéma de Cohérence Territoriale de Tarentaise5, au sein duquel est inscrit la réalisation de la « Ski Line », l’Autorité environnementale6 alerte elle-aussi sur les impacts de cet aménagement. L’instance indique notamment que « ce projet a des impacts importants en matière de paysage, de consommation d’eau et de consommation d’énergie. De plus, et peut-être plus fondamentalement, il semble en contradiction totale avec "l’esprit des lieux" de ce territoire et avec l’image "sport et nature" qui est l’un des moteurs de la Tarentaise. L’Autorité environnementale s’interroge sur la justification de tels équipements qui paraissent totalement contradictoires, de façon emblématique, avec une démarche de développement durable. »

L’Autorité environnementale note également que « "la commune de Tignes projette la construction d’une centrale hydro-électrique afin de générer une énergie propre permettant de compenser les consommations d’énergie induites par le développement de la station". Une telle initiative, louable (sous réserve, bien sûr, de l’impact d’une telle centrale), ne peut en aucune manière amoindrir l’impact énergétique global de ce projet ; la présenter comme une compensation relèverait d’une pratique manifeste de "green-washing". »

A moins que le préfet de Massif ne revienne sur sa décision, il est fort probable que l’affaire se jouera devant les tribunaux, à moins que la commune ne trouve ni investisseur, ni gestionnaire pour cet aberrant projet.



  1. Mountain Wilderness France, Union internationale pour la conservation de la nature, Fédération française des clubs alpins et de montagne et Fédération française de la randonnée pédestre
  2. L’article 2 de l’arrêté demande que « dans l’hypothèse d’une rentabilité économique non atteinte du dôme ski-line, des modalités de financement pour prévoir soit sa démolition, soit sa reconversion à un autre usage, afin d’éviter l’apparition d’une friche touristique dommageable pour la station. »
  3. En droit administratif français, le recours gracieux permet aux administrés de déposer une demande de réexamen du dossier, contre une décision prise par une autorité administrative.
  4. Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - Savoie
  5. Avis délibéré de la Mission Régionale d’Autorité environnementale Auvergne-Rhône-Alpes relatif à l’élaboration du schéma de cohérence territoriale Tarentaise Vanoise (73) – 21 mars 2017
  6. Cette instance donne des avis, rendus publics, sur les évaluations des impacts des grands projets et programmes sur l’environnement et sur les mesures de gestion visant à éviter, atténuer ou compenser ces impacts, par exemple, la décision d’un tracé d’autoroute, la construction d’une ligne TGV ou d’une ligne à haute tension, mais aussi d’un projet local, dès lors qu’il dépend du ministère l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des relations internationales sur le Climat, et qu’il est soumis à étude d'impact.

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