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Collecte | Vers la fin des randonnées en motoneige, pratique en plein essor malgré son illégalité

En France, l’utilisation des motoneiges à des fins récréatives est strictement interdite en dehors de terrains aménagés pour la pratique sportive et pour la desserte de restaurants d’altitude. Contrairement à une idée très répandue, véhiculée notamment par la presse, pratiquer la randonnée en motoneige sur un domaine skiable et proposer ce type d’activité est pénalement réprimé, à la faveur de la protection de l’environnement montagnard.

Belledonne
Isère
Loisirs motorisés

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 18 juin 2024

France Nature Environnement Isère et Mountain Wilderness France mènent depuis de nombreux mois des actions en justice contre une société offrant des randonnées illégales en motoneige sur la station de Chamrousse (Belledonne, Isère). Nous sommes confiants que les juges statueront en faveur de nos associations, créant ainsi une jurisprudence indispensable pour mettre un terme à cette pratique anachronique et aberrante. Pour cela, nous avons besoin de votre soutien afin de financer les actions juridiques passées et à venir.

Circuler en motoneige en pleine montagne : une activité dangereuse et préjudiciable pour l’environnement

La pratique de ce sport motorisé en montagne perturbe la faune sauvage, dont certaines espèces particulièrement vulnérables en saison hivernale. À titre d’exemple, le Tétras lyre, qui est une espèce de galliforme de montagne menacée, creuse des loges dans la neige pour se protéger des rigueurs hivernales et des potentiels prédateurs.

Cette activité de loisir pratiquée en dehors d’un terrain aménagé a pour effet d’augmenter la fréquentation des espaces sauvages et affecte, par voie de conséquence, leur quiétude, pourtant nécessaire au bon accomplissement du cycle biologique des espèces.

La circulation de motoneiges en montagne dégrade les espaces naturels dans leur ensemble. Cette activité qui génère des pollutions (pollution sonore, pollution lumineuse, pollution de l’air) a également des impacts sur les peuplements forestiers.

Enfin, la circulation des motoneiges en montagne met également en péril la sécurité des autres pratiquants de la montagne (randonneurs, skieurs) et provoque un dérangement important des touristes et habitants.

Rien n’arrête les entreprises proposant des randonnées en motoneiges

À Chamrousse (Belledonne - Isère), en 2020 et 2021, l’entreprise ESPACE GLISS a été verbalisée pour avoir proposé à ses clients des randonnées en motoneiges sur le domaine skiable de Chamrousse. Mountain Wilderness et FNE Isère se sont constituées parties. L’activité a été jugée illégale et ses organisateurs lourdement condamnés à des peines d’amendes et à la confiscation des 10 motoneiges incriminées.

Dans cette affaire, le juge pénal a été amené à apprécier la légalité d'une autorisation délivrée par le maire de la commune en décembre 2000. Cette autorisation, illégale, permet à l'entreprise d'utiliser ses motoneiges sur le domaine skiable, sous réserve de baliser ce circuit (9 km de long et 6 km de large). Mais en 2014, dans une affaire portée par MW et FNE, le Conseil d'Etat a précisé la notion de "terrain pour la pratique de sports motorisés" : la création d'itinéraires, même balisés, est interdite et ne peuvent être regardés comme des "terrains", y compris au sein des domaines skiables. Car même si l’activité se déroule au sein d’un domaine skiable, le ministère en charge de l’environnement nous rappelle que “les stations de ski étant construites, par essence, au sein d’espaces naturels, les aménagements qu’elles engendrent ne sont pas sans impact sur l’occupation du sol. [... ] Par ailleurs, les nombreuses interactions avec des aires protégées et des espaces naturels remarquables impliquent une vigilance particulière concernant la biodiversité environnante.”

Dans le cas de Chamrousse, les espaces parcourus par les motoneiges présentent des enjeux écologiques particuliers. Ils sont intégralement situés en site inscrit, et se déroulent en partie dans un site Natura 2000 (au titre des habitats qu'il offre aux espèces sauvages). Parmi les espèces impactées :

  • une avifaune importante est hébergée par la Cembraie, l’une des plus importantes de Rhône-Alpes ;
  • Le Cassenoix moucheté, inscrit à l'annexe I (espèce non chassable) de la Directive Oiseaux de l'Union européenne et à l'annexe 3 (protection relative) de la Convention de Berne, est inféodé à ce milieu ;
  • de nombreuses espèces de rapaces ;
  • du Lagopède alpin ;
  • du Tétras-lyre ;
  • du Lièvre variable ;
  • 4 espèces de chauves-souris ont aussi été répertoriées sur un site classé en bordure du parcours.

En juin 2022, le tribunal de police de Grenoble a considéré que l’arrêté délivré par le maire est illégal au regard de l'interprétation très claire de la jurisprudence de la notion de “terrain” et a condamné les motoneigistes. Cette condamnation a été confirmée par la Cour d’appel de Grenoble, mais la société mise en cause a saisi la Cour de cassation. Dans le cadre de ce pourvoi, la société a demandé à la Cour de cassation de saisir le Conseil constitutionnel. L’objectif était de remettre en cause la constitutionnalité de dispositions du code pénal qui ont permis au juge pénal de considérer que l’autorisation délivrée par le maire était illégale.

Cette procédure s’appelle une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Mais en avril 2024, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer cette QPC devant le Conseil constitutionnel. La question soulevée par les requérants ne présente pas un caractère sérieux ; les dispositions du code de procédure semblent parfaitement constitutionnelle.

FNE Isère et MW vont devoir à présent tout mettre en œuvre pour que le pourvoi engagé par l’entreprise soit rejeté par la Cour de cassation. Notre objectif est que la décision de la Cour d’appel devienne définitive.

Les enjeux sont importants, car dans de nombreuses stations de montagne il est proposé de façon tout à fait illégale des randonnées en motoneiges. Si cette décision de condamnation était confirmée, elle ferait jurisprudence. Cela inciterait les entreprises à respecter la réglementation relative à la circulation des engins motorisés en espace naturel.

L’usage des motoneiges à des fins de loisirs, une activité strictement réglementée

Les dispositions de la loi Lalonde de 1991, intégrées depuis dans le code de l’environnement, interdisent l’utilisation à des fins de loisirs d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige. Certains terrains délimités peuvent être ouverts à la circulation des motoneiges par décision du maire (terrain de moins de 4 ha) ou, au-delà de 4 ha, par le Préfet après avoir suivi la procédure de création d’une “Unité touristique nouvelle” et le dépôt d’un permis d’aménager.

D’après une jurisprudence du Conseil d’Etat de 2014, cette réglementation interdit la création d’itinéraires, y compris au sein des domaines skiables qui sont des espaces naturels dans lesquels la faune retrouve sa place en fin de journée et la nuit. Même balisés, ces itinéraires ne peuvent être assimilés à des terrains. Aussi, tous les actes administratifs autorisant la randonnée de motoneiges sur le domaine skiable ou des circuits sont parfaitement illégaux. Les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels montrent en effet la volonté du législateur d’empêcher la création d’itinéraires, même balisés, qui ne peuvent être regardés comme des terrains au sens de la loi.

Lancement d'un appel à dons

France Nature Environnement Isère et Mountain Wilderness France unissent leurs voix pour faire appel à la générosité publique. Participez au financement de notre action en faveur de la protection des espaces naturels. Grâce à vos dons, nous pourrons financer les dépenses engagées pour contrer ce projet délétère pour l’écosystème montagnard.

Le soutien obtenu sera fléché sur :

  • le poste EXPERTISE & LOGISTIQUE (travail de plaidoyer, coordination inter-associative, frais administratifs) ;
  • le poste FRAIS JURIDIQUES (honoraires avocat notamment) ;
  • le poste SENSIBILISATION & ÉDITION DE CONTENUS (web & réseaux sociaux).

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