À Chamrousse (Belledonne - Isère), en 2020 et 2021, l’entreprise ESPACE GLISS a été verbalisée pour avoir proposé à ses clients des randonnées en motoneiges sur le domaine skiable de Chamrousse. Mountain Wilderness et FNE Isère se sont constituées parties. L’activité a été jugée illégale et ses organisateurs lourdement condamnés à des peines d’amendes et à la confiscation des 10 motoneiges incriminées.
Dans cette affaire, le juge pénal a été amené à apprécier la légalité d'une autorisation délivrée par le maire de la commune en décembre 2000. Cette autorisation, illégale, permet à l'entreprise d'utiliser ses motoneiges sur le domaine skiable, sous réserve de baliser ce circuit (9 km de long et 6 km de large). Mais en 2014, dans une affaire portée par MW et FNE, le Conseil d'Etat a précisé la notion de "terrain pour la pratique de sports motorisés" : la création d'itinéraires, même balisés, est interdite et ne peuvent être regardés comme des "terrains", y compris au sein des domaines skiables. Car même si l’activité se déroule au sein d’un domaine skiable, le ministère en charge de l’environnement nous rappelle que “les stations de ski étant construites, par essence, au sein d’espaces naturels, les aménagements qu’elles engendrent ne sont pas sans impact sur l’occupation du sol. [... ] Par ailleurs, les nombreuses interactions avec des aires protégées et des espaces naturels remarquables impliquent une vigilance particulière concernant la biodiversité environnante.”
Dans le cas de Chamrousse, les espaces parcourus par les motoneiges présentent des enjeux écologiques particuliers. Ils sont intégralement situés en site inscrit, et se déroulent en partie dans un site Natura 2000 (au titre des habitats qu'il offre aux espèces sauvages). Parmi les espèces impactées :
- une avifaune importante est hébergée par la Cembraie, l’une des plus importantes de Rhône-Alpes ;
- Le Cassenoix moucheté, inscrit à l'annexe I (espèce non chassable) de la Directive Oiseaux de l'Union européenne et à l'annexe 3 (protection relative) de la Convention de Berne, est inféodé à ce milieu ;
- de nombreuses espèces de rapaces ;
- du Lagopède alpin ;
- du Tétras-lyre ;
- du Lièvre variable ;
- 4 espèces de chauves-souris ont aussi été répertoriées sur un site classé en bordure du parcours.
En juin 2022, le tribunal de police de Grenoble a considéré que l’arrêté délivré par le maire est illégal au regard de l'interprétation très claire de la jurisprudence de la notion de “terrain” et a condamné les motoneigistes. Cette condamnation a été confirmée par la Cour d’appel de Grenoble, mais la société mise en cause a saisi la Cour de cassation. Dans le cadre de ce pourvoi, la société a demandé à la Cour de cassation de saisir le Conseil constitutionnel. L’objectif était de remettre en cause la constitutionnalité de dispositions du code pénal qui ont permis au juge pénal de considérer que l’autorisation délivrée par le maire était illégale.
Cette procédure s’appelle une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Mais en avril 2024, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer cette QPC devant le Conseil constitutionnel. La question soulevée par les requérants ne présente pas un caractère sérieux ; les dispositions du code de procédure semblent parfaitement constitutionnelle.
FNE Isère et MW vont devoir à présent tout mettre en œuvre pour que le pourvoi engagé par l’entreprise soit rejeté par la Cour de cassation. Notre objectif est que la décision de la Cour d’appel devienne définitive.
Les enjeux sont importants, car dans de nombreuses stations de montagne il est proposé de façon tout à fait illégale des randonnées en motoneiges. Si cette décision de condamnation était confirmée, elle ferait jurisprudence. Cela inciterait les entreprises à respecter la réglementation relative à la circulation des engins motorisés en espace naturel.